Vincent Béja
La Gestalt-thérapie - Sentir qu’un Autre m’accueille et retrouver la douceur du vivant...

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24 juillet 2016
Vincent Béja

De quelques articles plus anciens...

Beja Vincent, Shane Paul, « Gestalt Psychologie, self et communauté », Cahiers de Gestalt-thérapie 2/2001 (n° 10) , p. 177-206
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-de-gestalt-therapie-2001-2-page-177.htm.

L’idée de la présente contribution est née de l’article de Josey que Paul Shane avait fait passer à quelques collègues dont moi-même, suite à son travail de recherche dans le cadre de sa thèse sur la réception de la Gestalt psychologie aux Etats-Unis. Il nous est apparu que cet article pouvait servir de plusieurs manières la communauté gestaltiste, à la fois en tant que témoignage historique et occasion de décrire brièvement les origines intellectuelles de la Gestalt thérapie, en tant qu’exposé de la conception du self de la Gestalt psychologie, conception dont nous sommes les proches héritiers, et en tant qu’il suggère des implications que nous avons eu tendance – en tant que communauté de travail et de recherche – à mettre de côté.


Béja Vincent, « L’impasse existentielle. Eléments pour une transition paradigmatique », Gestalt 1/2003 (no 24) , p. 45-69
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2003-1-page-45.htm.

L’homme « jeté au monde » des existentialistes est un de ces mythes constitutifs de la modernité que le décalage chronologique permet mieux maintenant de repérer comme tel. Il a fleuri dans le siècle qui vient de s’achever en se nourrissant de la montée de l’individualisme du siècle précédent, favorisé probablement, entre autres caractéristiques de la pensée scientifique de cette époque, par la confirmation expérimentale de l’atomisme en physique. L’horreur de la Shoah et son absolu non-sens n’ont fait que l’enraciner et lui donner vigueur.
Nous pouvons maintenant voir comment la Gestalt-thérapie et l’ensemble des thérapies humanistes avec elle, qui sont nées ou se sont constituées à ce mi-point du siècle, ne pouvaient qu’être influencées par cette conception pessimiste de la « condition humaine ». Mais le noyau théorique de notre discipline (théorie du Self/théorie du champ) et notre attitude pratique (posture phénoménologique) sont ils dépendants et conditionnés par ce mythe ? Pouvons-nous faire une Gestalt-thérapie plus « optimiste » ? Ou, plus radicalement encore, la Gestalt-thérapie ne peut-elle pas être envisagée comme une réponse ou une alternative à ces visions du monde mises en forme par Sartre et Heidegger ? N’était-ce pas d’ailleurs le sens de l’engagement de Paul Goodman et de son ouvrage Growing Up Absurd qui a tant marqué la jeunesse américaine des années 60 ?


Béja Vincent, « En passant par la Chine. Quelles racines pour demain ? », Gestalt 2/2003 (no 25) , p. 155-175
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2003-2-page-155.htm.

(...) Le retour aux racines dont ce séminaire était l’expression peut en effet s’envisager comme la recherche d’ajustement au mouvement de société contemporain qu’est la critique de la modernité. Ce mouvement consiste, pour le dire brièvement, dans la remise en cause généralisée de la modernité et de l’humanisme classique dont elle est sortie. Sont ainsi sévèrement critiqués sa tendance fondamentale à l’individualisme et au progrès ainsi que le paradigme objectiviste et dualisant de la pensée occidentale dont cet individualisme s’est nourri. Nous savons combien peut être ambiguë à cet égard la posture perlsienne et même ce versant de la théorie qui consiste à faire de la Gestalt une thérapie de stimulation de la fonction Ego, au risque parfois d’aggraver les problèmes : en imposant une responsabilité prématurée on peut en effet provoquer le rejet de la thérapie, générer de la honte et finir par créer un faux Self ou renforcer l’égotisme...
Pourtant la théorie du Self se présente – me semble-t-il – comme une réponse originale nous permettant à la fois de nous accorder sur ce qui fait le fond de notre approche comme de pouvoir penser un au-delà (ou un ailleurs) de l’individualisme. Cette théorie en est toujours, cependant, au début de son déploiement.
Ce qui est en jeu réside à mon avis dans l’affirmation de la processivité radicale du Self. L’opération de la frontière/contact est processus : le soi est mouvement, transition, ajustement, changement continus et permanents. Il n’est pas une entité ; il est sans agent, au mode moyen, bien que capable, à travers la conscience, d’une auto-réflexivité… En suivant cette proposition princeps de la Gestalt-thérapie, nous ne trouvons nulle part une quelconque entité qui commanderait au processus et le piloterait, il ne se trouve aucun ailleurs, aucune transcendance par où il serait habité ou bien à quoi on pourrait l’accrocher. Cette processivité et cette indistinction mouvante où l’organisme et l’environnement se rencontrent et se définissent l’un l’autre viennent désamorcer – voire saper – par leur interdépendance et leur interpénétration, le clivage classique sujet/objet sur lequel s’est construit notre horizon culturel d’occidentaux.
D’où donc provient cette théorie du Self ? Ces notions ont-elles été créées ex-nihilo (si une telle opération peut exister) par les Pères fondateurs de la Gestalt ? Ou ne proviendraient-elles pas plutôt d’un emprunt – souvent suggéré mais encore jamais clairement ni explicitement affirmé – fait à l’Orient et en particulier à la Chine ? Ou peut-être, et plus justement d’ailleurs, serait-elle le fruit d’une influence attribuable au taoïsme et évoquée par de nombreux auteurs (Latner, Ginger et d’autres) mais jamais développée ni véritablement exploitée.


Béja Vincent, « Autorité, croissance et apprentissage », Gestalt 2/2003 (no 25) , p. 107-122
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2003-2-page-107.htm.

C’est de manière récurrente que je m’interroge sur la finalitésociale de la thérapie et ses rapports avec les moyens qu’elle convoque pour le changement. C’est encore souvent – et tout particulièrement en groupe – que je m’interroge sur la puissance prêtée par les clients à la parole du thérapeute, puissance qui apparaît déterminante parce qu’au fond, cette parole revêt l’aspect d’une instance dernière quant à la construction du sens de ce qui émerge et se déroule ; quand bien même cette parole est questionnée ou réfutée par le client. Bien sûr la Gestalt-thérapie n’a pas vocation, comme la psychanalyse classique, à produire des énoncés interprétatifs sur l’expérience du client ; le sens est généralement co-créé et l’interprétation est habituellement avancée sous forme d’hypothèse ou de proposition dans un dialogue.
Reste que le thérapeute fait intervenir parfois toute cette autorité pour faire émerger une figure qui, autrement, resterait à l’état d’ébauche incertaine, dans le flou et la confusion d’inachèvements chronicisés et qu’il arrive qu’il soit nécessaire de donner à cette parole toute sa saveur dramatique pour arriver à la faire entendre, créant ainsi – selon les indications de Perls et Goodman – « une situation d’urgence réelle de forte intensité à laquelle le patient peut faire face et ainsi se développer ». Ce pouvoir de la parole du thérapeute demeure, il me semble, un élément fondamental de la situation thérapeutique elle-même.
L’autorité dont je dispose provient donc du dispositif ainsi que, simultanément, des conventions passées – et assumées – entre chacun des individus de la situation. Par exemple, tout autant que les clients m’investissent de cette autorité, par ma posture de tranquille disponibilité à l’autre je la démontre et par là – pour l’opinion de l’ensemble du groupe – je l’assure. Par cet effet même, pourrait-on dire, cette autorité est légitimée mais uniquement de manière interne au groupe que nous constituons. Aussi, pour border les dérives possibles du thérapeute, semble-t-il nécessaire d’ancrer son autorité dans une éthique suffisamment largement partagée en s’assurant que la visée principale et les effets de cette autorité soient, d’un point de vue collectif, les moins discutables qu’il se puisse. De là découle la floraison des codes de déontologie…
Dans cet article je vais donc tenter d’explorer le concept d’autorité, sa fonction dans la thérapie et son lien avec la croissance ainsi que la perspective dans laquelle ces articulations me semblent possibles. Chemin faisant j’aborderai en quoi la thérapie est apprentissage et comment l’autorité sert cet aspect particulièrement important de la croissance.


Béja Vincent, « Le changement au corps. La métaphore du Tai Chi », Cahiers de Gestalt-thérapie 1/2004 (n° 15) , p. 113-124
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-de-gestalt-therapie-2004-1-page-113.htm.
(...)
Si nous revenons au vocabulaire de nos fondateurs, nous ne parlons plus de sujet versus un corps mais d’organisme et en particulier d’un organisme en relation avec son environnement. Et la notion d’organisme réunit bien en elle la vie avec la structure individuelle qui l’abrite. L’inconvénient c’est que cela nous incline à une pensée biologisante et objectivante d’où l’irréductible du sujet et sa singularité font défaut. Et cela masque le fait que la plupart des difficultés névrotiques, si elles se manifestent bien comme des difficultés d’ajustement du contact de l’organisme avec son environnement, se manifestent tout autant sous forme de représentations figées chez un ou plusieurs des protagonistes d’une situation. Que nous puissions parfois court-circuiter l’obstacle d’une représentation psychique rigidifiée en faisant appel aux ressources sensitives et physiques de l’organisme, en amplifiant les mouvements corporels et en soutenant le vécu émotionnel par exemple, ne permet pas d’affirmer, suite à une expérience de contact à peu près réussie, que la difficulté est surmontée… Si l’imprégnation est profonde, si les situations traumatiques sont archaïques, bref si nous sommes en face d’une vraie névrose, le travail thérapeutique va devoir s’inscrire dans la durée. Et le client devra faire un deuil, c’est à dire opérer un véritable changement dans sa manière d’être au monde et de s’y mouvoir (changement d’attitude) ainsi que dans sa manière de l’envisager, de se le représenter et de s’y représenter, ce qui signifie un changement dans le fonctionnement même de son esprit. Un changement spirituel donc, qui est à la fois changement d’attitude et de comportement ; un changement qui, selon l’angle sous lequel on le regarde, peut être dit « corporel » ou « spirituel »…


Béja Vincent, « Changement et culture. En réponse à Edith Blanquet », Gestalt 2/2004 (no 27) , p. 177-185

URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2004-2-page-177.htm.

En tant qu’occidentaux nous vivons dans un monde d’où le mystère a été très largement évacué et où la personne en tant que structure stable est, comparativement à ce qui se passe dans les sociétés plus traditionnelles, surévaluée. Dans les sociétés dites primitives la personne – en ce qu’elle est conscience réflexive, consciente de sa présence à elle-même – est une construction plus instable, plus fluctuante, une conquête pas toujours assurée d’elle-même et constamment en butte ou en concurrence avec d’autres en ce qui concerne sa propriété, courant le risque de la possession, vivant encore largement et volontiers de la vie collective de la société qui l’a produite et où elle est engagée. Certains chercheurs comme De Martino ont été jusqu’à énoncer, en le démontrant assez largement, que la conscience moderne de l’existence (ex-stare), cette sortie de la personne de cet état où elle ne s’appartient pas encore, s’est construite – lentement et sous la bannière de la Raison – comme une lutte acharnée contre la Magie. L’autonomisation de la Raison est un phénomène dont l’émergence s’est effectué sur la longue durée et n’a pu commencer à se déployer pleinement qu’au cours du XIXe siècle. Et ce, au prix d’un rejet et d’un déni féroce d’une multitude de faits pourtant assez avérés qui laissaient soupçonner que le psychisme humain ne pouvait s’enclore dans son corps ni se réduire à une fonction de ce même corps pris dans sa matérialité. Je citerais ici tous les phénomènes dits aujourd’hui parapsychiques tels que la lucidité magnétique, la télépathie, la prémonition, la télékinésie etc... Tous ces phénomènes ne sont pourtant pas que des élucubrations de marginaux et de farfelus un peu dérangés. L’enquête que Bertrand Méheust consacre à l’histoire de ce rejet par l’institution scientifique (ne devrait-on pas dire « scientiste » ?) dans son livre magistral « Somnambulisme et médiumnité » le prouve largement... Il s’est agi d’une bataille acharnée à laquelle certains des plus grands noms de l’époque ont pris part (William James, Henri Bergson, Victor Hugo pour n’en citer que quelques-uns) pour soutenir l’idée que ces faits leur semblaient suffisamment nombreux, les expérimentateurs suffisamment sérieux et les résultats suffisamment avérés, non pour qu’on y adhère aveuglément mais pour qu’on les prenne au sérieux et qu’on les étudie impartialement, quitte à devoir retailler les conceptions trop étroites des rationalistes sur la nature du psychisme et de l’esprit humain.


Béja Vincent, « Identité-Ipseité. Le changement en thérapie », Gestalt 2/2005 (no 29) , p. 165-175
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2005-2-page-165.htm.

Parti d’une réflexion sur l’identité dans laquelle je cherchais à quelles conditions cette notion pourrait s’insérer dans ma conception de la thérapie, je me suis rendu compte en chemin que j’avais implicitement tenté – en réalité – de répondre à la poignée de questions fondamentales qui se posent face à notre pratique et au changement qu’elle prétend susciter ou accompagner :
Pourquoi changer ?A quel besoin cela répond-il ?
Peut-on changer ? Se changer est-il possible ?
Comment change-t-on ? Par quelles méthodes et quelles étapes ?
Qu’est-ce qui change ? Qui, en réalité, change ?
Le texte qui suit, sans guère évoquer le changement, apparaît toutefois comme une forme de réponse oblique à ces questions. Élargissant mon propos initial, elles y projettent légitimement une autre lumière et, même s’il n’y est pas répondu directement, permettent au lecteur d’envisager de nouvelles figures de sens.


Delacroix Jean-Marie, Béja Vincent, « Accueillir la souffrance. Échange avec Jean-Marie Delacroix », Gestalt 1/2006 (no 30) , p. 11-22
http://www.cairn.info/revue-gestalt-2006-1-page-11.htm


Béja Vincent, « La souffrance en perspective », Gestalt 1/2006 (no 30) , p. 139-152
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2006-1-page-139.htm.

Le texte qui suit est le fruit d’une expérience intime et l’aboutissement provisoire d’une méditation dans laquelle j’ai cherché à démêler la douleur – qui peut toujours venir nous frapper et dont nous ne saurions faire l’économie – de la souffrance névrotique dont je refuse la fatalité. J’ai construit cet article en m’appuyant principalement sur un texte de Paul Ricœur, tout en le contredisant à l’occasion. « Le scandale du mal », reparu dans le numéro de Juillet 2005 de la revue Esprit est un texte dense que le philosophe avait prononcé à l’occasion d’un débat en présence – entre autres – d’Emmanuel Levinas ; il m’a fourni deux concepts centraux pour penser l’autour de la souffrance névrotique : la rétribution et la fixation à l’origine. À partir de ma propre lecture du livre de Job ainsi que de la perspective bouddhiste sur la thérapie j’ai alors pu associer l’idée de solitude à la clarification de l’espace intersubjectif, au vide et à la spontanéité... Une figure était apparue que je vais tenter de partager ici.


Béja Vincent, « La vérité de l’autre... », Gestalt 1/2008 (n° 34) , p. 109-120
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2008-1-page-109.htm.

Ce que nous voyons en séance, ce qui nous apparaît à nous, la dyade thérapeute – client, est une affaire centrale dans la thérapie. Que croyons-nous qu’il se passe en vérité ? Que voyons-nous vraiment ? De manière plus essentielle encore, pour nous qui pratiquons la thérapie relationnelle, ce type de questionnement sur ce qui fait pour nous « phénomène », sur la nature de ce qui apparaît, se résume en une question centrale et qui vaut d’ailleurs dans toutes nos relations signifiantes : « qui, au fond, est l’autre qui se trouve en face de moi ? ». Cette dernière question se pose tout autant pour le thérapeute que pour le client. La manière dont l’un et l’autre y répondront est à la fois enjeu et affaire de la psychothérapie. Cet article veut illustrer l’importance de cette question que j’appellerai maintenant « la vérité de l’autre », ainsi que la centralité de son élucidation et de sa résolution dans la rencontre thérapeutique.


Beja Vincent, « Traduire le Self, perspectives », Hors Série Gestalt/Cahiers de Gestalt-thérapie 2008

Quels prolongements de la pensée de Paul Goodman aujourd’hui ? » , telle était la question que les organisateurs des EGGT m’avaient demandé de traiter. Question qui m’a d’abord plongé dans une complète perplexité. Comment, en effet, prolonger une telle pensée ? Il me semble qu’on ne peut que tenter de la regarder de manière renouvelée et tâcher d’en faire ressortir ce qui peut être mobilisateur de changement pour aujourd’hui. Il m’est finalement venu l’idée d’examiner ce que je considère être au cœur de l’anthropologie de Paul Goodman et que nous appelons la théorie du self, à la lumière du phénomène du langage. Avec, je l’espère, un effet de relief à la clé qui suscitera peut-être d’autres réflexions.

Mais je veux d’abord restituer les perspectives propres à cette pensée. Goodman se considérait comme un artiste et un critique social pour lequel l’essentiel de la nature humaine réside dans le sentiment vécu d’appartenance à une communauté au sein de laquelle il est possible de faire le plein usage de ses capacités créatives. C’est ce dont il n’a jamais varié et qu’il a décliné de mille et une façons dans sa vie et dans son œuvre : revenir à ce qui fonde l’humain, animal social et être de langage, entretenir cette aspiration profondément politique à vivre dans une communauté qui favorise l’épanouissement de ses membres !
Engagé, il ne sépare jamais la pensée de l’action ; théoricien, il part de l’expérience et vise l’expérience. C’est un pragmatique et non un révolutionnaire : il a écrit des poèmes, des romans, des essais qui ont fait mouche, qui ont été lus, remarqués et qui tous désignaient un changement collectif. Il est intervenu sur les campus, dans les universités. Et entre temps il est devenu thérapeute, c’est à dire qu’il est allé sur le terrain du changement individuel. Mais toujours avec une conscience du politique : si le milieu social est pathogène et ne change pas, le changement individuel est compromis voire même impossible…


Béja Vincent, « Le pragmatisme au cœur de « Gestalt-therapy » », Gestalt 1/2010 (n° 37) , p. 155-174

URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2010-1-page-155.htm.
Dans cet article je souhaite présenter pour le lecteur gestaltiste ce qui m’apparaît de plus en plus clairement comme la source philosophique centrale de « Gestalt-therapy », en irrigue la perspective originale et nourrit son anthropologie : le pragmatisme.
Dans la première partie, la plus nécessaire aujourd’hui, je vais tenter d’exposer succinctement ce courant de la philosophie américaine en en dessinant quelques contours et en nommant quelques-uns de ses principaux acteurs. Ce faisant il nous faudra à tout le moins suspendre nos préjugés qui réduisent généralement le pragmatisme à un utilitarisme sommaire méconnaissant totalement ainsi la puissance et l’originalité de sa perspective. J’ai ainsi pour but de communiquer mon intérêt pour le pragmatisme et de donner le goût au lecteur d’y aller voir par lui-même.
Brièvement, dans une seconde partie, je soulignerai ce qui me paraît contribuer directement et fondamentalement à la Gestalt-thérapie. Enfin je m’interrogerai sur les raisons de cette étrange ignorance dans laquelle nous avons tenu le pragmatisme jusqu’à présent.


Dagut Aline, Béja Vincent, « La parole en thérapie . Échange avec Aline Dagut », Gestalt 1/2011 (n° 39) , p. 8-21
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2011-1-page-8.htm.


Beja Vincent, « Foi et amour dans la pensée politique de Goodman », Cahiers de Gestalt-thérapie 2/2011 (n° 28) , p. 185-200
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-de-gestalt-therapie-2011-2-page-185.htm.

(...) Or sa philosophie est simple à comprendre. Elle revient toujours à l’essentiel, négligeant et bousculant au passage les conventions et les a priori, porteuse de cette interrogation : quelle sorte de vie et dans quel type de société voulons-nous vivre ? À cette question que la coercition sociale qu’il vivait lui posait en permanence, Goodman répondait inlassablement par un anarchisme principiel :
“Seuls les anarchistes sont de vrais conservateurs car ils veulent conserver le soleil et l’espace, la nature animale, la communauté primaire et la recherche par l’expérimentation.” - The May Pamphlet.
Dans ce petit article je me suis appuyé à dessein sur des essais politiques de Paul Goodman pour en donner un peu le goût. Je n’y prétends pas à l’objectivité, encore moins à l’exhaustivité, mais cherche à exposer simplement la pensée de Goodman, comme quelqu’un qui présente celle d’un ami : en la faisant provisoirement mienne et en essayant de mettre en lumière les principes qui m’ont paru être au fondement de sa réflexion politique dans laquelle la Gestalt-thérapie vient s’insérer tout à fait logiquement.


Dagut Aline, Béja Vincent, « Penser ensemble, une question éthique », Gestalt 2/2011 (n° 40) , p. 73-78
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2011-2-page-73.htm.

« Il est faux de dire que les relations sociales sont fondamentalement interpersonnelles. Les liens les plus puissants dans les groupes naturels sont en continuité avec les passions et les pulsions antérieures à l’organisation des ego de leurs membres. Ce sont l’amour et la fraternité. »
Paul Goodman, The May Pamphlet.


Béja Vincent, « Œdipe ou expérience ? Faut-il renier Freud ? », Gestalt 2/2011 (n° 40) , p. 125-140
URL : www.cairn.info/revue-gestalt-2011-2-page-125.htm.

Il m’est arrivé de rencontrer des psychanalystes ou des thérapeutes analytiques qui, dans leur parcours, ont croisé la Gestalt-thérapie, s’en sont servi un temps pour eux-mêmes ou leurs clients puis, déçus, l’ont délaissée, préférant revenir à une approche plus « orthodoxe ». Et l’image de la Gestalt-thérapie se dégageant de leurs propos revenait à considérer celle-ci comme une thérapie de second rang ou, pire parfois, comme porteuse du danger de modélisation du client sur les désirs du thérapeute...
J’en suis d’autant plus affecté que, lorsque j’envisage sa naissance comme une différenciation au sein du courant analytique, elle m’apparaît comme l’un des plus beaux fruits que la psychanalyse ait produit. Il me semble en effet que la Gestalt-thérapie porte au plus haut certaines des exigences de la psychanalyse – en particulier dans la rigueur que la relation thérapeutique nécessite – et qu’elle en est la pointe extrême en ce qu’elle se concentre au plus attentivement sur l’expérience en cours... Ma thèse, qui pourra simultanément paraître provocante aux tenants d’une Gestalt conçue comme opposée ou étrangère à la psychanalyse et peu charitable envers les tenants de l’orthodoxie analytique, est que la Gestalt, si elle se sépare effectivement de la psychanalyse, peut tout aussi légitimement être envisagée comme son authentique accomplissement, à condition bien sûr de ne pas définir cette dernière dans les limites du freudisme...
Pour étayer ce propos, je vais brièvement décrire comment je comprends le développement du mouvement psychanalytique au long de deux lignes de forces. La première consiste dans le passage d’une posture médicale objectiviste et individualiste à une posture de sympathie active située et pragmatique. La seconde réside dans l’évolution de la prise en compte de la situation et de l’environnement à la fois dans la clinique et la théorie, en particulier à travers le statut donné au traumatisme mais surtout dans la lecture et l’usage du transfert. L’étude conjointe de ces deux lignes de forces me semble donner une image assez fidèle de la direction vers laquelle a évolué la psychanalyse au travers des principales étapes qu’elle a traversées dans sa manière d’instituer le sujet et d’envisager la nature de la cure. Ce faisant je ne chercherai pas à donner une perspective exhaustive sur le paysage psychanalytique et n’utiliserai pour étayer mon propos que les contributions de quelques auteurs qui m’ont semblé éclairer mon dessein.


Béja Vincent, « Perspective pragmatiste sur l’expérience thérapeutique », Gestalt 1/2013 (no 43) , p. 173-185
https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GEST_043_0173

L’auteur développe une perspective pragmatiste sur l’expérience thérapeutique, en particulier du point de vue du thérapeute, et cela sur deux axes essentiels. Il suggère, d’une part, que la visée du thérapeute avec son client pourrait être de lui apprendre les gestes attentionnels qui permettent le déroulement du processus de prise de conscience. D’autre part, mettant l’action coopérative au centre du processus de changement, il soutient qu’être gestaltiste « consiste à établir constamment et patiemment les conditions d’une coopération intense et ouverte à l’occasion d’une enquête incessante et conjointe sur les aléas même de cette coopération ».


Béja Vincent, “Groupe thérapeutique et société, transformations...”, Gestalt - 2013/2 (Numéro spécial), Au cœur des groupes - Explorer et penser les pratiques en Gestalt-thérapie
https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=CGES_NS01_0261

Le groupe thérapeutique gestaltiste est un laboratoire complexe et paradoxal où les valeurs sociales à la fois perdurent et évoluent et où le thérapeute met implicitement en œuvre une vision politique. Mettant en parallèle le fonctionnement des groupes avec le champ social contemporain des années 80 puis d’aujourd’hui, l’auteur souligne l’intérêt de mettre en concordance les valeurs réglant le fonctionnement groupal avec le renouvellement du sens de la thérapie. Cela le conduit à présenter brièvement la façon dont il procède aujourd’hui et qu’il appelle Gestalt-thérapie PAR le groupe.


Beja Vincent, « Interview de Leslie Greenberg », Gestalt-thérapie 2/2015 (n° 47) , p. 167-173
https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GEST_047_0167